2013-06-27

Les syndicats devraient-ils consacrer les cotisations des membres à l'action politique?


La plupart des Canadiens et Canadiennes, y compris ceux et celles qui appartiennent à des syndicats, ont un grand respect pour le principe de la légalité.

À la lecture d’écrits de la part des Conservateurs sur les syndicats et l’action politique qu’ils mènent, on pourrait croire que ces derniers ne respectent pas la loi.

En fait, la loi est plutôt du côté de ceux et celles qui sont membres d’un syndicat lorsque vient le moment de négocier une convention collective et de défendre les intérêts politiques.

En 1991, la Cour suprême du Canada à laquelle on demandait si les syndicats pouvaient participer à des actions politiques,  se prononça pleinement en faveur des travailleurs et travailleuses et du droit des syndicats à prendre part à des activités politiques.

La plus haute cour du pays fut saisie par cette affaire après que Merv Lavigne, un fonctionnaire de la province de l’Ontario, s’opposa à ce que ses cotisations syndicales puissent être consacrées à des actions politiques. À l’époque, M. Lavigne n’était pas membre du Syndicat des employées et employés de la fonction publique de l'Ontario (SEFPO) qui était, contrairement à ce que certains articles des Conservateurs prétendaient, et est toujours dans son droit.

Du fait que M. Lavigne profite des avantages sociaux des conventions collectives négociées en son nom et que son syndicat est légalement obligé de le représenter, les tribunaux ont conclu que les cotisations syndicales sont obligatoires même si une personne décide de ne pas adhérer au syndicat. Les tribunaux sont en effet d’avis que les avantages sociaux qui sont acquis doivent faire l’objet de paiements en contrepartie…autrement dit : pas de pique-assiettes !

En arrivant à cette décision, la Cour suprême prit de toute évidence position en faveur du droit et de la responsabilité des syndicats à protéger les intérêts des travailleurs et travailleuses qu’ils représentent. À la table de négociations et dans le processus législatif, les syndicats peuvent utiliser les ressources qu’ils reçoivent des membres et aussi des non-membres (les cotisants Rand) selon le plus haut tribunal du pays. De l’avis des syndicats, la promotion d’un environnement politique au sein duquel leurs membres peuvent obtenir une meilleure convention collective constitue un prolongement de la négociation.

Qu’en est-il pour le Syndicat de l’Agriculture et les campagnes politiques auxquelles nous participons ?

Nombre de personnes qui sont membres de notre syndicat ont pour fonction d’assurer la sécurité du public. En effet, chaque jour il leur incombe de s’assurer que les aliments que nous consommons sont salubres, que les grains que nous faisons pousser sont sans danger et de la meilleure qualité qui soit, que dans le grand Nord les prairies sont conservées pour le bienfait des futures générations.

Cette responsabilité, ils et elles l’assument très sérieusement au point où bien souvent ils et elles en perdent le sommeil la nuit lorsque leur rendement est compromis par des éléments hors de leur contrôle, par exemple la pénurie d’inspecteurs et inspectrices des aliments causée par des compressions budgétaires.

Il est donc parfaitement logique que leur syndicat cherche à promouvoir un meilleur système de sécurité des aliments – ce qui est exactement ce que nous avons fait depuis la crise de la listériose aux établissements Maple Leaf en 2008. Pour cela, il faut mettre en exergue les lacunes de l’actuel système et les décisions d’ordre budgétaire prises par le gouvernement et qui mettent la sécurité du public en danger.

Comme vous pouvez l’imaginer, le gouvernement n’apprécie pas cette situation.

Les intérêts de nos membres sont très étroitement liés avec ceux de la population, comme cela est d’ailleurs souvent le cas lorsque nous lançons des actions politiques à propos de projets.

Il n’y  pas si longtemps 26 mineurs perdirent la vie lorsque les propriétaires de la mine Westray en Nouvelle-Écosse les envoyèrent dans les galeries sous-terraines alors qu’ils savaient pertinemment que les conditions de travail étaient extrêmement dangereuses. Cet « accident » ressemble étrangement à l’effondrement d’un édifice le 24 avril dernier au Bangladesh qui a entraîné dans la mort plus de 500 personnes.

Le cas de la mine Westray et celui du Bangladesh ne ressemblent pas à des désastres tels qu’une inondation ou encore un acte de la nature ne pouvant pas être anticipé ni évité. Cela inspira un autre syndicat – le Syndicat des Métallos – à lancer une campagne d’action politique pour qu’un tel comportement d’une entreprise aussi insensible soit considéré comme une infraction pénale.

Revenons vingt ans plus tôt sur la décision Lavige rendue par la Cour suprême.

Aujourd’hui, une campagne est en cours pour saper la capacité des travailleurs et travailleuses et de leurs syndicats à entreprendre des campagnes d’action politique efficaces en rendant les cotisations facultatives.

Les député(e)s d’arrière-ban du gouvernement conservateur de Stephen Harper semblent être à l’origine de cette tentative, mais il est possible que sa source remonte tout en haut, soit au premier ministre en personne. Après tout, Stephen Harper était à la tête de la National Citizen’s Coalition qui a pris à sa charge les frais juridique de Merv Lavigne.

Il est évident que de rendre facultatif le versement des cotisations syndicales paralyserait les syndicats, et leur rendrait la tâche difficile pour lancer des campagnes efficaces d’action politique.

Les syndiqué(e)s ne seraient toutefois pas les seul(e)s à souffrir des conséquences négatives de ce scénario.

Les politiques du gouvernement et les forces de l’économie mondiale font déjà des victimes parmi les jeunes Canadiens et Canadiennes qui sont en effet confronté(e)s de nos jours à des taux de chômage records et qui doivent faire face à des employeurs qui exigent des salaires et des conditions de travail inférieurs pour les jeunes et nouveaux employés. Si les syndicats étaient ainsi rendus plus faibles, les jeunes auraient plus de difficultés à trouver des emplois décents offrant des avantages sociaux décents, une réalité qui menace de les suivre durant toute leur carrière.

Le grand public quant à lui sera également une victime si les syndicats ne peuvent avoir recours à l’action politique, et s’il ne peut bénéficier de nos campagnes en faveur d’aliments plus salubres et de milieux de travail plus sécuritaires.

Qui en sera le grand bénéficiaire ?

Dans ce cas, ce sera le gouvernement Harper, bien connu pour son style de politique implacable, qui se réjouira de la possibilité qui lui sera ainsi offerte de suspendre des droits juridiques parfaitement raisonnables et logiques, tout ceci pour se débarrasser d’un opposant de plus.

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